Je laisse la parole à Marie. Marie, elle a mon âge. Elle aurait pu être moi, enfin, j’aurai pu être elle. Même âge, deux enfants…
A vrai dire, nous pourrions toutes être Marie.
Parce que le Cancer, lui, il arrive sans prévenir, au hasard. Sans en demander la permission.
Et ce cancer, il faut le vaincre à tout prix, même si on est en aucun cas responsable.
Je vous laisse avec son récit.
Je suis une jeune femme de 29 ans, mariée depuis 3 ans et maman depuis bientôt 2 ans.
Avant, j’avais peur de beaucoup de choses. De la mort principalement. Je ne voulais même pas en parler, ni l’évoquer. Peur de perdre le contrôle, peur du regard des autres, peur qu’on ne m’aime pas.
Mais ça, c’était avant.
Tout a changé le 22 avril 2014.
Je venais d’accoucher de mon deuxième enfant, une petite fille. A la maternité, j’avais subi une biopsie pour un kyste dans mon sein gauche, apparu au début du neuvième mois de grossesse, que tout le monde (gynéco, généraliste, sage-femme) attribuait à un engorgement de lait. On m’avait déjà ponctionné le kyste une semaine avant l’accouchement, et cela ressemblait fortement à du vieux lait. Je sors de la maternité deux jours après, tout ça me sort de la tête, je découvre les joies (et le débordement !) de la vie à 4 avec 2 bébés.
Le 22 avril donc, coup de fil de la secrétaire du gynéco, qui demande à me voir. Je dépose ma fille chez ma mère, appelle mon mari pour le prévenir d’aller chercher le petit à la crèche si le médecin ne peut pas me prendre tout de suite, mais je ne suis pas du tout inquiète : après tout, il m’a déjà fait le coup pendant la grossesse, ça doit être pour ponctionner de nouveau le kyste. J’y vais donc seule.
A la tête du médecin quand il me serre la main, à la manière qu’il a de poser sa main sur mon épaule, je sens qu’il y a quelque chose qui cloche. J’ai une blague dans la tête, j’ai envie de lui dire « vous me faites flipper à me faire venir comme s’il y avait quelque chose de grave ! », mais je n’ose pas.
Les dix minutes qui suivent sont assez floues dans ma tête : je me souviens qu’il m’a dit « je t’avais dit de ne pas te méfier, j’ai eu tort », puis « chimio, rayons, opération ». Il n’a pas dit le mot « cancer ». C’est moi qui lui ai demandé, confusément, si j’en avais un, et là il m’a regardé, stupéfait : « bah oui ! ». Il a manqué de tact, mais je sais qu’il était surtout très mal à l’aise d’avoir failli passer à côté.
J’ai passé un IRM dans la foulée, complètement sonnée, en ayant envie de vomir et me répétant « c’est pas possible, c’est un cauchemar, je vais me réveiller »… Je me souviens avoir demandé à la manipulatrice si je pouvais pleurer pendant l’IRM. Elle était gênée de me répondre que non, je ne devais pas bouger du tout.
Ça a été dur de devoir rentrer et m’occuper des enfants. Prévenir ma mère a aussi été très dur. J’aurais peut-être dû commencer par vous dire ça : Le cancer du sein, c’est une histoire de famille. Ma tante en est décédée, il y en a beaucoup dans la famille de ma mère, et ma mère en a eu un il y a deux ans. J’ai toujours « su » que j’allais en avoir un, on m’a toujours mise en garde contre ça. Quand je l’ai su, je me suis dit « je pensais quand même avoir encore dix ans tranquille ».
Le scanner du lendemain a été un premier soulagement : le cancer n’était « que » dans le sein. « Dans votre malheur, vous avez de la chance, vu comme ce cancer-là est agressif, on le détecte souvent plus tard, trop tard ». Il a été décidé de commencer tout de suite par la chimio pour refroidir le tout, et puis comme j’étais en post-accouchement on ne pouvait pas trop me toucher, j’étais encore bourrée d’hormones.
Les jours suivants ont été assez irréels. Je courais de rendez-vous en rendez-vous, et quand je rentrais je devais m’occuper au mieux de mes enfants. Comment le dire à des bébés ? Qu’est-ce qu’ils ressentent de la situation ? J’ai essayé de leur dire clairement les choses, que j’étais malade, que le médicament allait me fatiguer et me faire perdre les cheveux, mais qu’ils auraient toujours de l’amour et quelqu’un pour veiller sur eux. On a acheté un livre pour mon aîné qui s’appelle La maman de Léon a un cancer, qui explique de manière assez claire les choses pour les tout-petits. Quand je me suis coupé les cheveux très courts avant la chimio, il n’a pas compris. Il me touchait la tête, puis me montrait une photo de moi avec les cheveux longs en disant « maman ? ». Par contre, quand j’ai commencé à les perdre pour de bon, et qu’une amie est venue me raser la tête à la maison, ça ne lui a rien fait.
Nous avons dû nous organiser pour que tout se passe au mieux. Nous avons décidé que ma mère viendrait dormir à la maison pendant quelques jours après chaque chimio, pour que je puisse me reposer ; ma fille était encore toute petite et ne faisait pas ses nuits. Ma mère restait aussi la journée, me faisait à manger, s’occupait de la petite. Mon mari emmenait le petit à la crèche le matin et le récupérait le soir. Pendant quelques jours, nous faisions équipe tous les trois, on se serrait les coudes.
J’ai eu la chance d’être très peu fatiguée par la chimio. Quelques jours et quelques nuits de repos me permettaient de reprendre le dessus. Une semaine de fatigue, deux semaines de pleine forme. Puis c’était reparti pour une nouvelle chimio. Mais savoir à l’avance qu’on va être HS pendant quelques jours, qu’on ne va pas pouvoir profiter des petits, qu’on va s’énerver pour rien à cause de la fatigue, c’est jamais très plaisant. Je suis arrivée à la troisième chimio en pleurant : je n’en voyais pas le bout (j’en avais sept en tout), et je n’avais pas envie d’être encore fatiguée. Et finalement, on se rend compte que ça passe assez vite, cette période.
J’ai perdu les cheveux assez rapidement, et j’ai décidé de porter des foulards. Une perruque, je ne pouvais pas, j’avais l’impression de tromper tout le monde. Je suis malade, oui, et je ne veux pas le cacher, ce n’est pas une honte. J’ai un cancer, et alors ? Je suis toujours une femme, une maman, et ce n’est pas un foulard qui va changer ça. J’ai acheté une vingtaine de foulards, que j’assortis à mes tenues et à mes chaussures. Je suis la première surprise : ça me va bien. Une cousine à mon mari a même dit que ça m’allait « limite mieux que des cheveux » ! Je pensais que je vivrais mal le regard des gens, et en fait, je me suis rendu compte que je m’en fiche complètement ; au contraire, je suis plutôt fière d’assumer aussi bien ma maladie.
Très vite j’ai senti que le kyste réduisait dans mon sein. Il est passé de la taille d’une mandarine à celle d’un abricot, puis d’un pruneau, d’un gros raisin… là il fait la taille d’un noyau de cerise. La chimio a bien aidé à tout réduire. La réaction de mon oncologue, qui était très distant lors de la première consultation (j’en étais ressortie en pleurant, persuadée que j’allais mourir), a été très positive. C’est là que je me suis rendu compte, a posteriori, de la gravité de « mon » cancer, et de l’affolement du corps médical, qui ne savait pas vraiment comment traiter cette grosse boule remplie de lait et à moitié cancéreuse dans mon sein.
Mon oncologue a décidé d’enchaîner sur les rayons, que j’ai commencés la semaine dernière. Les rayons, comparé à la chimio, c’est le Club Med : je suis allongée, ça dure cinq minutes, au revoir et merci. Tous les jours pendant cinq semaines, mais tellement moins fatigant…
Mes cheveux et mes sourcils commencent à repousser. J’ai hâte de pouvoir enlever mon foulard, même si je me suis habituée à le porter, et que je pense continuer à en mettre dans mes cheveux par la suite.
L’opération est prévue pour début janvier. On attend les résultats de l’analyse génétique pour savoir si je suis porteuse du gène BRCA2, comme ma mère. Si je suis porteuse j’ai décidé de me faire enlever les deux seins, parce que je me connais, sinon je vais passer mon temps à me les tâter à la recherche d’une nouvelle tumeur.
Il faut encore que je voie si je me fais enlever les ovaires ou non. C’est dur de faire une croix sur une éventuelle nouvelle maternité, même si j’ai déjà deux beaux enfants.
Le chemin est long, jalonné de scanners, d’IRM, de prises de sang. Jalonné aussi de doutes, de questionnements : et si je ne guérissais jamais ? Et si des métastases se développaient dans quelques années ? Et si j’en mourais ? J’ai des exemples de guérisons autour de moi, j’ai aussi des exemples de gens qui ne s’en sont pas sortis. J’ai dû dépasser ma peur de la mort et me rendre compte qu’en fin de compte, tout le monde mourrait un jour. Et qu’on ne sait jamais quand notre heure est venue.
Par contre, ce que je sais, c’est que je suis vivante. Ici, et maintenant.
Alors j’en profite, et je fais ce que je peux, chaque jour, à mon niveau, pour être heureuse.
On me dit souvent que je suis forte, courageuse, hyper positive. Je n’ai pas l’impression, j’ai juste envie de vivre, de ne pas me sentir ployer sous le poids de la maladie. Je veux dire, s’il ne me reste que quelques mois à vivre, vu que je suis en bonne santé, autant en profiter pleinement ! Je joue avec les enfants, je voyage quand je peux, je ris. Je souris. Je vais me promener au bord de la mer.
Cette maladie m’a permis de faire de jolies rencontres, dans le corps médical et en dehors : mon énergéticienne, que j’allais voir après chaque chimio et que je vois maintenant une fois par mois ; les ambulanciers qui m’emmènent en taxi à chaque fois que je dois aller à la clinique (et en ce moment je les vois tous les jours), avec qui je plaisante et discute ; des connaissances virtuelles qui sont devenues plus réelles et qui des fois me soutiennent plus que mes amis ou ma famille, par des mots, des gestes, des attentions qui me touchent.
Elle m’a permis aussi de me rendre compte à quel point les gens m’aimaient… et sans condition : je n’ai pas besoin de prouver quoi que ce soit. Je parle de ma famille, bien sûr, mon mari, mais aussi la famille de mon mari, et surtout mes amis. Certaines personnes dont je ne pensais pas être proche sont là, très présentes. Au contraire, certains amis proches ne donnent pas trop signe de vie, comme s’ils avaient peur, qu’ils ne savaient plus quoi me dire. Pourtant, je suis toujours la même personne.
J’ai envie de me dire que mon cancer n’est pas arrivé par hasard. Il est arrivé parce que mon corps voulait me faire comprendre quelque chose. Il est arrivé à ce moment-là dans ma vie parce que j’avais toutes les clés en main pour l’affronter – et encore, je n’aime pas ce mot, je ne me bats pas, je l’accepte, jusqu’à ce qu’il veuille partir, se dissoudre, se transformer en amour.
J’ai envie de croire que ce cancer est là pour m’apporter quelque chose, que je sortirais plus forte de cette maladie. Et pour l’instant, c’est vrai : je suis plus heureuse maintenant que je ne l’étais avant.
J’ai pu parler à mes proches et clarifier certaines situations douloureuses, j’ai pu lâcher prise sur beaucoup de points, j’ai pu commencer à réellement exister. Exister, être celle que je veux vraiment être, sans me soucier de ce que pensent les autres.
Profiter de ma vie, on n’en a qu’une, me rendre compte que je ne suis pas éternelle, et qu’au lieu de vouloir tout contrôler, au lieu de toujours regarder ce que l’on n’a pas, il vaut mieux s’arrêter et regarder tout ce que l’on a, et vivre, tout simplement ; accepter les aléas de la vie, et surtout, avoir confiance.
Merci Marie pour ton récit, qui montre le ce foutu cancer n’épargne personne, et qu’il peut apparaitre même pendant une grossesse, juste après un accouchement… Qu’une boule dans le sein ne peut être qu’un kyste, mais parfois pire…
Qu’il faut toujours se surveiller. Et ne pas hésiter à consulter.
Octobre Rose, ça continue.
Le site Cancer Du Sein Parlons En
bon courage …..
Ce témoignage est magnifique!
Merci beaucoup,je pense que ça va en aider certaines qui n’arrivent pas à faire face et les autres qui en auront peut être un un jour.
Bon courage!
Merci pour ce récit (ça n’arrive pas qu’aux autres…) et bon courage pour la suite !
merci pour ce témoignage !! je vous souhaite plein de bonne choses et profiter de chaques moments!! bon courage
Un témoignage fort et émouvant ! Comme elle a raison Marie, il faut profiter de chaque jour et aimer ce que l’on a 🙂 🙂 🙂 La vie est belle si on sait la regarder comme il faut !
OMG Marie, que ton récit me touche!! Je suis en larmes derrière mon écran!!
Je te souhaite une douce guérison, et tout le bonheur possible quoi qu’il advienne !
Tes paroles sont tellement vraies, on a qu’une vie, carpe diem!
Merci… bon courage, vous etes une femme et une maman forte. Je vous souhaite tout le bonheur du monde.
BOnjour
Merci pour votre témoignage et votre soif de vie !!! je vous souhaite plein de bonheur pour les 100 ans à venir
Oh Marie, je ne savais pas que tu témoignerais chez Valérie, je suis si contente de te lire ici! Que te dire, tu sais déjà tout le bien que je pense de toi et de ton courage je pense.
Merci pour ce temoignage tellement rempli d’espoir, cette envie de vivre heureuse.
Bonne guerison Marie, et plein de bonheur pour la suite !
Quel témoignage bravo à vous d’avoir la force d’en parler.je suis maman depuis quelques mois et vos mots m’on énormément touché et me conforte encore que dans la vie tout peu arrivé et qu’il faut se battre!!!ayant également ma maman qui a eu un cancer du sein il y a quelques années.je vous souhaite une guérison totale et de continuer avec votre optimiste.vous avez raison profitez de la vie,on en a qu’une!!!
Un grand merci pour ce témoignage!
Merci pour ce beau témoignage, tu as tout dit… J’ai aussi un cancer du sein très agressif maintenant en stade 4 avec une récidive aux os…Je suis aussi porteuse du gène défectueux BRCA2… J’ai été diagnostiquée en Octobre 2012 donc cela fait 2 ans déjà… mais j’étais déjà en stade 4 à ce moment… Compte tenu que j’ai recommencé la chimio je me porte très bien et je n’ai plus mal au dos 🙂 Tu vas t’en sortir ne te laisse aucune autre option… Fais de la méditation, béni tes traitements qui vont aussi te sauver….oui retourne à l’essentiel… Mes pensées sont avec toi courageuse petite maman… Toi et ta petite vous êtes magnifiques!!!! Courage tu vas y arriver c’est sûr!!! XXXXXXX Vie
Un temoignage poignant…
Bravo pour ton courage je te comprend tellement jai moi meme un cancer du sein et de laiselle decouvert a 29 semaine de grossesse jai eu de la chimio enceinte 3 et ensuite 14 traitements de chimio jai eu mon operation cette ete et je suis en radio presentement mon garson va avoir bientot 6 mois sa ete un epreuve tres difficile mais je reste positive face ala maladie je suis en attente de passer moi aussi cest fameux test de genetique jai 4 ans poir les passer et decider de la suite si je garde ou je me fait toutenlever. Mon garcon est en super forme malgre que jai eu ma chimio enceinte le plascenta filtra tout selon les medecin bon courage a toi et garde ta belle energie
Je me vois dans cette histoire ayant détecter mon cancer a 27 ans avec deux enfants un de 3 ans et une de 15 mois à ce moment la